Projet de Charlie Aubry

Le travail entrepris consiste à créer une interface numérique entre plusieurs systèmes d’outils. Nous les appellerons objets-système car ils incluent des systèmes techniques dans leurs fonctionnements.

Ces outils-système peuvent être : numériques ou analogiques. Ils ont donc leurs propres langages et leurs propres modes d’interface pour les activer et les piloter.

Ainsi l’utilisation de nos deux mains et nos deux jambes sont souvent restreintes dès lors que nous voulons en combiner plusieurs ensembles, pour un spectacle ou une création musicale, par exemple. L’objectif est d’ouvrir la possibilité de pouvoir piloter seul : une dizaine de lumière, de diffuser plusieurs pistes sonores sur différents haut-parleurs, activer une petite scie sauteuse, un petit orgue, 5 lecteurs cassettes, une platine vinyle, 10 postes radio et activer la sonnerie d’alarme incendie d’un lieu, comme celle de l’isdaT, par exemple.

Le premier constat est qu’aucun de ces système-objets ne sont compatibles entre eux. Ils ne peuvent pas être reliés ensemble, un lecteur cassette ne peut pas commander une scie sauteuse. Chaque objet-système a son propre protocole de fonctionnement : protocole mécanique1, électrique2, analogique3, numérique4…, qui a aucun moment n’a été pensé pour fonctionner et communiquer ensemble.

Le deuxième constat est qu’une scénographie ou un travail sonore ne s’inscrit jamais dans une typologie d’espace identique. Un objet-système peut être donc plus ou moins éloigné de l’autre en fonction des lieux. Il est important de pouvoir penser une interface fluide tant du point de vue des possibles outils-système que de leurs emplacements dans un espace donné. L’espace d’un spectacle n’ayant jamais la même configuration, il est impossible de penser l’usage de ces outils-système comme une chaîne linéaire.

L’erreur comme mode d’apprentissage et compréhension des système-objets

La recherche sonore par l’erreur n’est pas le moyen de générer du son le plus productif, mais c’est un des moyens les plus productifs pour avoir la sensation d’entendre des sons jamais perçus. Le bidouillage d’un synthétiseur va permettre d’aller plus loin dans la « matière » sonore, et augmenter ses possibilités, par exemple dans l’utilisation un synthétiseur type Yamaha DX7 pour produire des sonorités nouvelles issues d’un générique des années 80. L’erreur peut aussi créer des sons qui littéralement brûlent les enceintes ou les oreilles. Aborder le son par l’erreur, c’est chercher de donner une matière physique au son. On se rend compte que le son, c’est de l’électricité.

L’erreur ou le glitchcomme certains l’appellent apporte un caractère au son, il est surtout un moyen d’émancipation face au « preset » ou « pattern« , qui sont des mémoires de son ou rythmes pré-enregistrés dans lesquels les constructeurs font une palette de toutes les possibilités de la machine, mais il ne peut exister un outils qui exécute toutes les possibilités. En ouvrant les machines on s’approprie par l’usage le son. C’est là l’intérêt du court-circuitage, c’est un mélange mission impossible de chasse aux trésors empirique et minutieuse dans le circuit imprimé pour un résultat quasi singulier. Cette pratique du circuit bending, s’est démocratisée, beaucoup de tutoriels sont actuellement diffusés permettant de modifier sa boîte à rythme, ou telle ou telle machine. La compréhension d’un ou plusieurs systèmes va permettre de ne plus subir celui-ci, pouvoir jouer avec et le manipuler selon ses propres besoins et non selon une grille de critère déterminée par ses concepteur.

La compréhension de tous ces objets a permis de créer une interface afin de contrôler leurs fonctions les plus basiques.

Les étudier et les classer afin de créer un répertoire de « fonctionnement par type de système-objets à multi ouverture. »

La plupart des objets ont été pensés fermés pour des raisons commerciales. Cependant, malgré les astuces des fabricants pour rendre les machines hermétiques, il y a toujours une faille. En étudiant très basiquement les fonctionnements de quelques machines, plusieurs besoins et principes de fonctionnement en découlent. Ces besoins et principes de fonctionnement vont permettre d’établir un répertoire et une classification. Une fois ce répertoire créé, cela a permis de comprendre les systèmes autant en terme d’utilisation / fonctionnement qu’en terme d’énergie. Il a fallu aussi répertorier des « actionneurs » qui vont répondre aux diverses attentes et celles de la machine pour envisager de les piloter tous.

Par exemple une télévision va fonctionner en 230 V, la plupart du temps elle s’allume par le biais d’un interrupteur. Le travail consiste à chercher dans la liste des actionneurs si quelque chose ressemble à un interrupteur mais peut se piloter via un signal. En cherchant un moteur qui appuierait sur l’interrupteur, on finit de s’apercevoir que c’est bancal, et par erreur on tombe sur un relai, ce module va permettre d’actionner une ARDUINO ou une RASPBERRY PI. La télévision est donc maintenant pilotable via une source externe qui peut être reliée à un ordinateur ou fonctionner de manière autonome. Maintenant on s’aperçoit que la télévision s’allume depuis l’ordinateur mais nous sommes limités, quand elle s’allume le choix de la chaîne n’est pas possible. Ainsi sur le même principe on peut regarder comment changer les chaînes en ayant le choix entre les boutons du téléviseur ou les boutons de la télécommande. À nous de voir lequel nous semble le plus adéquat en mettant un relai sur le ou les boutons qui nous intéresse. Petit à petit beaucoup d’autres paramètres vont être nécessaire comme diffuser de l’image sur une télévision via l’ordinateur, puis l’ordinateur peut devenir une télécommande géante, etc.

Description de l’interface mise en place

Cette interface est créée sous MAX MSP qui est un logiciel développé par l’IRCAM initialement prévu pour faire de la synthèse sonore, par la suite l’interface augmente sa palette d’usage. La puissance de calcul a d’abord attiré les musiciens pouvant générer des partitions aléatoires, des ondes particulières en temps réel et de nouvelles fonctionnalités comme la possibilité de créer des matrices 3D, d’intégrer de la vidéo et de les manipuler sans latences, ce logiciel est devenu un outil prisé chez les artistes.

L’interface pilotable via un iPAD était la forme la plus ergonomique afin de piloter une vingtaine de machines en même temps avec le touché et d’autres facteurs comme l’inclinaison de la tablette grâce au gyroscope embarqué de celle-ci. Le gyroscope est un capteur de position angulaire, généralement couplé à un accéléromètre qui est un capteur qui mesure l’accélération linéaire, ils permettent de savoir précisément comment la tablette est manipulée. On va donc pouvoir attribuer des fonctionnalités et intensité à ces inclinaisons. L’interface est dotée d’une navigation sur plusieurs pages, avec différentes fonctions et modes comme un séquenceur 16 pas, un mode aléatoire, un mode automatique et plein d’autres ressources utile à l’écriture et la composition.

Le séquenceur est un outil qui permet d’enregistrer et exécuter des commandes permettant généralement de piloter des instruments de musique électronique. Il sert à automatiser des séquences, il peut exécuter ces séquences et les synchroniser avec d’autres outils utilisant les protocoles midi ou OSC. Le séquenceur de l’interface est la copie exacte du séquenceur de la boîte à rythme Roland TR 8085, qui offre une ergonomie et une facilité d’improvisation rythmique déconcertante en temps réel. Sauf qu’ici, ce ne sont pas des samples de batterie mais des objets physiques qui sont séquencés, comme une lampe, une radio…

Les protocoles midi ou OSC sont deux protocoles communication, l’un date des années 80 et l’autre de 2007. Le MIDI ou « Musical Instrument Digital Interface » est issu d’une volonté des industriels de normaliser les échanges entre les instruments, il est devenu aujourd’hui un standard. L’OSC ou « Open Sound Control » est lui apparu comme une alternative au MIDI, il permet une plus grande flexibilité et une meilleure résolution. Toutefois, celui-ci n’est pas conçu spécialement pour la communication entre les instruments, mais pour des transmissions de datas entre des capteurs et des logiciels, souvent utilisées lors de performances musicales incluant des mouvements.

L’interface est reliée à un cœur qui se compose d’un ordinateur ou plusieurs RASPBERRY PI et de multiples cartes permettant de créer un pont entre le numérique et l’analogique. La plupart des cartes sont reliées à différents relais qui permettent des déclenchements électriques sur tels ou tels objets. Le cœur est hybride, il fonctionne avec des technologies analogiques et numériques. C’est l’alliance entre des techniques analogiques basiques et très simples à mettre en œuvre qui permettent une base solide à des technologies numériques plus complexes, permettant une plus grande flexibilité dans les usages.

Ce programme a été pensé ouvert et est en constante évolution, beaucoup de nouvelles possibilités se sont incorporées comme l’utilisation de la cardiométrie, offrant la possibilité de recevoir les données d’un cardiofréquencemètre. Par exemple à chaque battement de cœur on peut déclencher la sonnerie de l’école ou une scie sauteuse. Le programme développé est devenu une manière simple de mettre en place une régie, pour piloter différent système-objets. Il permet d’être autonome dans un espace, seul il peut diriger de la vidéo, du son, des lumières et autres objets électriques. Il permet aussi grâce à son séquenceur et ses autres fonctions relatives au touché d’improviser et créer des choses simples très rapidement, le rapport à la régie change car elle peut vraiment être abordée comme un instrument.

Cette interface est ouverte à plusieurs protocoles de communication comme le MIDI ou l’OSC, permettant d’écrire et composer. Chaque élément du programme est entièrement assignable en MIDI ou OSC et peut donc devenir esclave d’une partition créée sur n’importe quel logiciel de musique, ou séquenceur MIDI hardware.


1. Mécanique : qui est produit, exécuté, actionné par une machine, un mécanisme. Relatif à un mécanisme, qui relève de l’utilisation de machines. (Cnrtl)

2. Électrique : relatif à l’électricité utilisée à des fins industrielles ou domestiques. Consommation, production électrique,fil électrique,installations électriques. Chaque fois que la porte cochère s’ouvrait, la concierge appuyait sur un bouton électrique qui éclairait l’escalier (Proust, Sodome, 1922, p. 728). (Cnrtl)

3. Analogique : électr. Représentation analogique. Représentation dans laquelle les grandeurs (tension, courant, etc.) qui entrent dans les calculs sont représentées par des grandeurs analogues et qui varient de manière identique. (Cnrtl)

4. Numérique : informatique et télécommunications. Se dit de la représentation d’informations ou de grandeurs physiques au moyen de caractères, tels que des chiffres, ou au moyen de signaux à valeurs discrètes. Se dit des systèmes, dispositifs ou procédés employant ce mode de représentation discrète, par opposition à analogique. (Larousse)

5. La TR 808 est une boîte à rythme, c’est un instrument qui à ses début était fait pour produire des motifs rythmiques et ainsi simuler une batterie à l’aide de sample numérique ou de circuit analogique. La TR 808 avait un séquenceur intégré qui donnait à l’utilisateur la possibilité de créer ses propres motifs rythmiques, son prix était dérisoire à l’époque de sa sortie, mais celle-ci n’intégrait pas la norme Midi ce qu’il l’a vite rendue obsolète, sa sœur sort 1 an plus tard c’est la TR 909, qui est de nos jours clonée et tout récemment rééditée par la marque Roland, la TR-09.

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