Entrée réservée au public interne à l’isdaT, dans la limite des places disponibles.
Le séminaire Learning from est un moment interne à l’isdaT pour découvrir les pratiques et les recherches artistiques des membres de l’isdaT.
Genius Loci — Vu à 130
Une pomme, un château, un canard… À partir de 1975, le long des autoroutes françaises, apparaissent de grands pictogrammes blancs sur fond brun ayant pour ambition de partager, en la synthétisant, la culture des territoires traversés à 130 km/h. Dessiné par l’atelier Visual Design (créé par Jean Widmer et Nicole Sauvage) pour les Autoroutes du Sud de la France, ce projet d’envergure, aujourd’hui une icône du design graphique moderne français, a rejoint en 2022 les collections du Cnap à l’heure même où il disparaît peu à peu du paysage autoroutier, au moment où de nombreux panneaux sont démontés, mis à jour.
L’étude de ce projet est le point de départ d’une recherche ouvrant de nouveaux horizons à l’atelier d’initiation à la recherche Genius Loci. Elle invite à écrire une histoire plus longue des « panneaux marrons » et de la signalétique touristique française, à travers laquelle, depuis la fin du XIXe siècle et jusqu’à nos jours, la route peut-être envisagée comme un espace culturel où les signes jouent un rôle d’interface et de médiation entre celui qui passe et le pays qu’il traverse.
Depuis 2013, l’atelier d’initiation à la recherche Genius Loci, mené par Sébastien Dégeilh et Olivier Huz et leurs étudiant·es au sein de l’isdaT, a pour ambition d’interroger la notion de génie du lieu depuis le design graphique. Héritière de pratiques religieuses antiques, cette idée, que nous empruntons en partie à l’architecte Christian Norberg-Schulz, prône une création contextualisée ou le créateur entre en négoce avec l’environnement et l’esprit du lieu qui le caractérise.
Cette envie de questionner ce que serait un design graphique « situé » nous a conduit à voyager vers diverses destinations, avec différents groupes d’étudiant·es. Le terme de « savoir situé », que nous empruntons ici à Donna Haraway, est à envisager dans un double mouvement. Le premier est lié à la question même du génie du lieu : puisqu’il est question d’aller à la rencontre de territoires que nous n’habitons pas, il nous est possible d’apprendre, par l’observation, ce que des situations particulières ont su inventer comme formes, qu’elles soient du ressort du design graphique ou de ses frontières. Le second est de rentrer en dialogue avec ces lieux depuis le design graphique, depuis notre « savoir situé ». Ainsi, que ce soit pour les documenter, les réfléchir ou y participer, utiliser le design graphique comme méthode : méthode typographique, méthode signalétique, méthode éditoriale… Ainsi, peut-être que la spécificité du champ du design graphique à cet endroit n’est pas de gagner en autonomie mais bien d’enrichir ses rapports de force avec les déterminants extérieurs qui sont sa raison d’être.