Fête de la logique

Histoire d’une forteresse (détail), Inventory, 2021

Entrée gratuite, avec port du masque et présentation d’un pass sanitaire valide ou de la carte étudiant·e / personnel de l’isdaT, dans la limite des places disponibles.


Journée conçue et organisée par Ana Samardžija Scrivener, professeure de philosophie, et Étienne Cliquet, artiste, enseignant·es à l’isdaT.

Intervenant·es

Damien Airault, Antonia Birnbaum, Fabrice Gallis, Liv Schulman, Yann Trividic.


« Logic’s hell! » Bertrand Russell

La journée du 14 janvier a été proclamée Journée Mondiale de la Logique par l’Organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture. L’Unesco présente la logique comme « la recherche sur les principes du raisonnement » et retrace son advenue en tant que phénomène multiple et mondial. En Inde, la naissance de l’école de logique Ānvīksikī remonte au VI  siècle av. J.-C. ; la logique est étudiée systématiquement en Chine ancienne dès le IIIe siècle av. J.-C. au sein de l’école mohiste ; en Europe de l’Antiquité, Aristote et l’école stoïcienne initient la logique formelle ; à partir du Xe siècle, la logique aristotélicienne est réinventée dans les travaux de philosophes musulmans parmi lesquels Al-Fârâbî, Avicenne et Averroès. Conçue au XIXe siècle, la logique mathématique moderne étend son développement dans des domaines aussi variés que la physique, la linguistique, l’informatique, l’économie ou les disciplines de l’ingénieur.

Si la logique traite de la forme des raisonnements, indépendamment de leurs contenus et des objets sur lesquels ils portent, peut-on espérer, comme le fait l’Unesco, que la logique, censée fonder le dialogue rationnel, contribue à promouvoir une culture de la paix et de la compréhension mutuelle ? La logique est-elle une ressource pour tenir tête à la bêtise et à la force obtuse ? Haine de la pensée, haine de l’art, autoritarisme, xénophobie, cultes du rendement et de la performance, processus compulsifs d’évaluation, violence des rationalités répressives : de tels phénomènes ne relèvent-ils pas à leur tour des logiques implacables ? Comment penser alors ce qui noue la logique à l’acte politique ? « Avant d’être la sœur du rêve, l’action doit être la fille de la rigueur », écrit Georges Canguilhem en 1967 à la mémoire de Jean Cavaillès, philosophe, logicien et résistant par nécessité logique, fusillé par l’occupant allemand en 1944. « Sa philosophie mathématique n’a pas été construite par référence à quelque sujet susceptible d’être momentanément et précairement identifié à Jean Cavaillès. Cette philosophie d’où Jean Cavaillès est radicalement absent a commandé une forme d’action qui l’a conduit, par les chemins serrés de la logique, jusqu’à ce passage d’où l’on ne revient pas ». Ce déploiement a-subjectif de la logique de la résistance, qui donne forme et rythme singulier au courage de Cavaillès, pouvons-nous y prendre appui aujourd’hui, pour penser à l’épreuve de la logique des révoltes de notre temps ?

Comment la question de la logique se pose-t-elle dans les champs des arts et du design ? Deux voix dissonantes, parmi d’autres, témoignent de son acuité. Celle de Nietzsche : être capable du « grand style », écrit-il en 1888, quel que soit l’art que l’on pratique, c’est « maîtriser le chaos que l’on est : contraindre son chaos à devenir forme ; devenir nécessité dans la forme : devenir logique, simple, non équivoque, mathématique ; devenir loi ». Celle de Sol LeWitt, en 1967 : « L’art conceptuel n’est pas nécessairement logique. La logique dans une œuvre ou une série d’œuvres reste un moyen : occasionnel et aussitôt détruit » ; puis en 1969 : « Les artistes conceptuels sont plus mystiques que rationalistes. / Les jugements rationnels succèdent aux jugements rationnels. / Les jugements illogiques amènent à une nouvelle expérience. / L’art formel est essentiellement rationnel. / Les pensées irrationnelles peuvent être suivies à la lettre et logiquement ».

En proposant une Fête de la logique, nous souhaitons explorer les dimensions de la logique, du concept, de la rationalité, du calcul, du programme voire de la ruse qui traversent les pratiques des arts et du design. Quelle part les processus logiques prennent-ils dans l’invention des formes artistiques ? Le formalisme logique conduit-il au formalisme esthétique ? Comment les arts se pensent-ils dans un monde imprégné d’algorithmes ? Peuvent-ils nous enseigner des usages indisciplinés de ceux-ci ? Célébrer la logique dans un lieu où l’on pratique les arts incite à concevoir une idée de la nécessité qui n’enchaîne pas, à imaginer des logiques autres que propositionnelles ou formelles – des logiques sensibles, occasionnelles, erratiques, accidentelles, humoristiques et dissolubles.

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