20h — amphi A
Entre graphisme et arts plastiques, Xavier Antin a progressivement élargi sa réflexion au monde de l’objet.
« Graphiste conceptuel… C’est ainsi qu’a commencé Xavier Antin. Pas question, dans les livres qu’il designait, de se contenter d’obéir aux contraintes : s’il a reçu les formations les plus prestigieuses dans le domaine, des Arts déco au Royal College of Art de Londres, c’est pour réinventer sa pratique. (…). Contenu éditorial, distribution, technique d’impression… Pour lui, rien n’est indifférent. On l’a déjà compris : cette simple pratique de graphiste ne pouvait le satisfaire pleinement. C’est donc vers le champ des arts plastiques qu’il s’est tourné. Presque involontairement, comme en un glissement insensible, mais évident. “Au fur et à mesure, je me suis mis à faire mes propres livres, et des gens m’ont approché, et m’ont proposé de considérer cela comme une pratique artistique à part entière. C’est ainsi que j’ai commencé à l’assumer”. Et presque par hasard, débarquant tout juste de ses études à Londres, le voilà propulsé au Salon de Montrouge en 2011. Tout en poursuivant son travail de graphiste, c’est désormais à “l’espace d’exposition comme médium” qu’il réfléchit. À travers ses œuvres, c’est tout le processus de production non seulement de l’image, mais aussi de l’objet, et par conséquent “de nos manières de penser”, qu’il explore.
Jouant avec les archétypes du design du XXe siècle, déjouant les structures économiques, il applique un regard quasi sociologique sur ces technologies contemporaines. Il s’amuse ainsi, dans un livre intitulé Printing at home, à proposer toute une série de détournements d’imprimantes de bureau, inspirés par certains souvenirs (…). À ces machines, il inflige dans son drôle de manuel de sacrés sorts : en voilà une « préparée », comme John Cage préparait ses pianos en les affectant de toutes sortes d’outils, et truffée de véritables pinceaux. Une sorte de hacking du quotidien, qui touche pour lui une question essentielle : “la réappropriation des moyens de production”. Ce n’est pas pour rien qu’il revendique l’héritage de William Morris, pionnier du mouvement Arts & Crafts qui envisageait l’art comme l’un des principaux acteurs de l’utopie sociale.
Dans cette perspective, Xavier Antin a élargi sa réflexion au monde de l’objet, refusant de se laisser enfermer dans l’univers de l’imprimé. Lors de sa première exposition à la galerie Crèvecoeur, qui le représente depuis deux ans, il a composé 5 sculptures : soient 5 dés de la taille d’un tabouret, tous réalisés à l’issue des conversations que l’artiste a menées avec des entreprises spécialisées, qui dans les planches de surf, qui dans les tables de billard ou le bois tourné. À chacune, il a proposé de réaliser cette même forme. Et voilà soudain ces matériaux habituellement dévolus à une fonction qui s’en libèrent, en une sorte de design conceptuel. Voilà une page de tournée. »
Emmanuelle Lequeux, in Le Quotidien de l’art, 27/12/2013.